Point Transat #2 – Isle d’Oléron > La Corogne -Sada

Bonjour à tous!

Le gouvernement français a décidé de confiner à nouveau au plan national et de restreindre les actives nautiques uniquement aux professionnels et au départ du Vendée globe. Comme il nous est impossible de nous inscrire à cette épreuve du tour du monde à la voile en solitaire, car nous somme deux, avec Cayman 3 (car ce n’est pas un IMOCA) on est parti en fugitif de l’île d’Oléron,  mardi 3 novembre à  3h du matin pour forcer le blocus au Sémaphore de Chassiron et nous évader vers la liberté …  La Liberté  de naviguer n’a pas de prix !

Mardi 3 novembre : Les fugitifs en mode furtif quittent l’île d’Oléron

2h, Réveil, petit déjeuner, préparation au départ, 2h48 ouverture des portes de l’écluse menant au chenal, vers le Fort Boyard et l’île d’Aix. 3h, départ, à la sortie du chenal, nous devons longer la côte Est de l’île d’Oléron jusqu’à la pointe Nord de l’île. Nous passons tout près des filets de moules de conchyliculture. La lune se lève et éclaire notre route. Nous naviguons sans la radio VHF car on pourrait se faire repérer par l’émetteur l’AIS, (appareil permettant aux autorités de voir notre position et de nous identifier). 5h15, nous mettons cap à l’Ouest pour passer devant le phare de Chassiron, nous croisons quelques chalutiers en pêche. 6h15, nous mettons cap au Sud Ouest pour prendre notre route vers l’Espagne. Au début nous rencontrons du vent d’ouest, pas très favorable on navigue donc au Près (allure avec le vent de face),Grand Voile et Foc, mais on avance bien quand même, la mer n’est pas encore formée. Le vent a tourné, on est dans une zone de convergence, comme une sorte d’anticyclone, le vent faibli, la girouette tourne sur elle même, on croise notre premier dauphin, qui passe très vite, en solitaire, et continue sa route, (même pas le temps de prendre une photo !) Cela va nous porter chance ! 15h, on retrouve du vent, la mer se forme avec de bon creux de 3 à 4 mètres, on prend un Ris dans la Grand Voile, on réduit aussi le Foc. Nous sommes déjà à 67 miles de Chassiron. À 20h premier quart de la traversée, Philippe part se coucher Alain assure la veille, RAS, 17 nœuds de vent, cap au Sud Ouest tout va bien, le bateau file à 8,5 nœuds. 22h Philippe remplacé Alain qui va se coucher, « la vie de couple » s’organise !

Mercredi  4 novembre, l’aventure commence…

On navigue au Petit Largue, vent de travers de 14 nœuds et on avance 7,7 nœuds. 5h quart d’Alain et plus de vent, on est obligé d’avancer au moteur deux heures durant ! 7h le vent revient, on navigue à nouveau à la voile. 11h40 on envoie le Spi par un vent de 12 nœuds et on file à 8 nœuds. 13h45, le Spi fait un cocotier ou une sorte de soutien à gorge autour de l’Etai, il faudra 45 minutes pour ranger tout ça ! 15h45 malgré ces péripéties nous sommes à 190 miles  ( 1 mile = 1,852km) de Chassiron et à 148 miles de la Corogne, notre point d’arrivée prévu. Le vent monte de plus en plus. 19h on prend le 3 ème Ris, réduction de la Grand Voile au maximum, 40 nœuds s’affichent sur les instruments. La  houle est croisée, des creux de 5 mètres. C’est le début de la « guerre » !

Jeudi 5 novembre, le jour où tout bascule !

0h00 le baromètre est toujours à 1024mb, donc pas de dépression, on fait une pointe à 18 nœuds, ça va vite, très vite pour Cayman 3. 4h50 on est couché par une vague immense, tout vole à bord, l’interrupteur du Pilote Automatique est cassé par une boîte de conserve projetée, Philippe se met courageusement à la barre car on n’a plus de pilote automatique, et le bateau est livré à lui-même. Pendant ce temps, Alain trouve le moyen de bricoler l’interrupteur et le pilote fonctionne à nouveau. A l’intérieur du bateau c’est le Capharnaüm, tout est en vrac dans le bateau, le frigo vertical s’est vidé, les planchers ont volé, les conserves projetées, ont cassé trois interrupteurs du tableau électrique, et une boîte de rooibos en a projeté partout dans le carré, les tomates dans la boite à outils, sans compter les œufs cassés, heureusement sur le bateau pas de vaisselle en verre, sinon ça aurait été l’enfer. Vous n’imaginez même pas ! C’était pire que ça ! 7h au large du Cap Ortegal, pointe extrême Nord Ouest de l’Espagne, un des coins le plus pourri du Golf de Gascogne, là le vent est monté à 45 nœuds, la mer devient très grosse et déferle. Le bateau avance entre 15 et 20 nœuds en permanence avec une pointe mesurée à 25,6 nœuds, nouveau record pour Cayman3 et son équipage ! Pendant ce moment où les secondes durent des minutes, le bateau est vautré et n’arrive pas à se relever, Bôme dans l’eau. On prie.   Il finit par se redresser, quel excellent bateau ! Vers midi on est en face de la grande baie de la Corogne et nous nous dirigeons au Près vers la Marina de Sada ou nous arrivons à 13h45.

Très content de notre traversée,  même  si elle a été éprouvante, nous ne rêvons que d’une  bonne douche, un bon repas et au lit !

Activités en vrac suite à la navigation :

• Entrée à la marina de Sada, enregistrement auprès de la Capitainerie. Ici pas de confinement, masque obligatoire partout, tous les magasins sont ouverts, bars et restaurants, la seule obligation est le couvre-feu de 23h à 6h du matin. Les Galiciens, qui sont des Celtes, sont très accueillants. On retrouve des amis d’Alain, on va prendre une bonne « Caña » au bar avec laquelle on nous offre des tapas ! Olé !
• Montée au mât pour remettre en place la Balancine de Bôme, qui s’était échappée en haut du mât pendant la navigation, et pour graisser les Réas (roulements)
• Nettoyage de l’intérieur du bateau, car suite à la navigation, tout ce qui était rangé à été projeté partout dans le bateau. Anecdote, Alain qui ne connaissait pas le rooibos, en a pris plein les yeux et la bouche quand ça a volé dans le Carré !
• Se procurer une manivelle de winch, une gaffe pour remonter les gros poissons à bord quand on pêche, tout ça perdu quand le bateau s’est couché sur l’eau; réparer la girouette, qui nous donne la direction et la vitesse du vent, qui est corrodée et cassée.

Quelques chiffres :

• 1 mile nautique = 1,852 km
• 1 noeud = 1 mile nautique à l’heure soit 1,852 km/h
• 25,6 noeuds (soit plus de 47km/h), vitesse maximum atteinte par Cayman 3
• 400 miles nautiques (soit plus de740km) en 58h de navigation.
• Vitesse moyenne 6,9 nœuds de moyenne dont plus de 10 nœuds de moyenne dans les 100 derniers miles nautique.
• Quelques offrandes de Philippe à Neptune ….

Voilà notre premier récit de navigation, n’hésitez pas à nous laisser des commentaires, de faire partager notre aventure avec vos proches.

Notre prochaine destination et notre date de départ n’est pas encore fixée, ce sera en fonction de la météo, qui pour l’instant n’est pas favorable pour aller vers le Sud. On souhaite longer les côtes Espagnoles et Portugaises puis relier les Canaries, avant le Grand Départ vers les Antilles.

A bientôt et prenez soins de vous…

Le départ, a l’ecluse

Ca file vite, plus de 18 nœuds !

Sous Spi, avant que la voile s’entortille sur l’étai du Foc…

Côtes de la Corogne en vue, jeudi vers 11h

Cayman vu du haut du mât, (en bas de la photo), à la Marina de Sada. On voit l’évolution de la forme arrière de bateaux en 15 ans !

Inspectrion du mât après la navigation

Sada depuis le haut du mât….