Point Transat #3 – Marie Galante > Les Açores

(Tous les mots SOULIGNES sont des liens cliquables, pour plus d’information.)

Bonjour à tous!
Bien arrivé à Florès, aux Açores le 15 mai 2023 à 3h00 UTC, après 2.200 miles nautiques, en 17 jours et 15 heures de traversée, sur la fameuse « Route du Rhum » retour.

Avant de commencer le récit de ce nouveau voyage, je voudrais revenir sur le dernier article que j’ai écrit avant mon départ.
Quelques personnes m’ont fait part de leur critique, en bien ou en mal à propos de cet article.
Sachez que ce que j’écris, vient au fil de l’eau, sort de moi naturellement.
Je ne vise aucunement personne, c’est uniquement mon ressenti de la vie, de Ma Vie.
Chacun sa Vie et aussi sa Vision de la Vie, de Sa Vie.
Si j’ai blessé ou pire, fait du mal à quelqu’un, ce n’était nullement mon intention.
Je vous présente mes plus sincères excuses et je vous prie de m’en pardonner.
Mais aussi  Hoshi dit : « J’aime quand les gens se reconnaissent dans ce que j’écris… ».

Lever de soleil, à l’horizon infini, sur la planète bleue


Si je devais citer 3 verbes qui me correspondent je dirais : Aimer, Partager, Transmettre.

Aimer, qu’y a-t-il de plus beau dans la Vie ? Aimer, d’un amour inconditionnel, c’est beau, c’est haut, plus haut que les oiseaux, qui s’envolent à tire d’aile, vers le ciel en toute liberté, qui n’a pas rêvé de voler un jour.
L’amour donne des ailes. « On croit aimer, on aime, puis un jour on aime plus qu’on croit! »

Partager, car j’aime partager ce que j’ai, ce que je vis, ce que j’aime, ce que je fais. Surtout avec ceux qui m’aiment, sans me juger ou même me comprendre.
Partager un repas, nourrir le corps et l’esprit. Autour d’un repas, pour moi,  ce qui compte, ce n’est pas ce qu’il y a dans l’assiette, le plus important, c’est les personnes avec qui je le partage et sont assis autour de la table, mais si en plus c’est bon !
Partager c’est offrir ce que j’ai de plus riche en moi, mon temps, ma connaissance, aider les autres, faire quelque chose pour eux, pour les rendre heureux. 
Je suis riche, très riche ! Non pas d’argent, ni de pouvoir, mais d’amour, d’empathie pour mon prochain, sans le juger ou le comprendre. Juste l’aimer tel qu’il est. Toute cette richesse accumulée au cours de ma vie, je vous l’offre au présent.
Présent, cadeau, tout ce que l’on aime.

Et enfin Transmettre, car si  je ne communique pas ce que je sais, ce que la vie m’a appris, grâce aux autres, souvent par moi-même, pendant tout ce temps passé sur Terre, et sur Mer, il manquerait une part au devoir accompli.
Ce partage, cet héritage, je vous l’offre.
Alors, si vous continuez à lire ce nouvel article, je le Partage avec Vous, avec tout l’Amour qui est en moi, et je souhaite Transmettre mon vécu, mon expérience, de terrien, de marin, d’être humain.

Et, je suis comme le commun des mortels, très imparfait !
Ne m’en veuillez pas j’adore écrire, c’est un besoin, une passion qui m’est venue naturellement.
J’en ai eu souvent besoin dans ma vie, pour me confier à quelqu’un et à moi-même.
Surtout depuis le jour où j’ai failli mourir  le soir du 25 octobre 2010.
« Il faut naître deux fois pour vivre un peu, ne serait-ce qu’un peu.
Il faut naître par la chair et ensuite par l’âme. » dît Christian Bobin.
Depuis ce jour, je me suis reconstruit, autrement, avec mes moyens, et l’aide de mes proches, enfants, amis, famille, la plus proche, celle du coeur, qui ne vous juge pas et qui vous aime pour ce que vous êtes.
Et, à travers l’écriture, je vis, je suis.
Certes je n’ai pas fait de hautes études, arraché du lycée à 16 ans, pour être placé dans un bar, pension de famille, pour servir de larbin, sans être payé. Je n’ai donc que le certificat d’études qui n’existe plus aujourd’hui.
Et c’est autour de tout ça que je me forge, ma vie.
Et que je vis aujourd’hui…

Maintenant parlons d’autre chose de plus intéressant, et restons dans l’ Air Du Temps !
Nous, mon bateau et moi, sommes heureux de continuer sans cesse à partager notre aventure avec vous tous. 

Alors, prêt pour l’aventure : C’est parti !

Le Jeudi 27 avril 2023, à 8h local aux Antilles, 12h UTC Temps Universel Coordonné, (en anglais : Universal Time Coordinated), heure de Greenwich, mon bateau et moi, nous sommes partis de  Marie Galante pour la traversée de l’Atlantique à la voile, ma quatrième, la première en solitaire 😉.
En partant, je salue au passage CAMPOS, et je dis au revoir à Coco et Mimie, les Pirates !
Ils se sont levés tôt pour me voir lever l’ancre ! Ils m’ont bien aidé à la préparation d’Air Du Temps : installer les nouvelles voiles, mettre en place une nouvelle drisse de spi, modifier le support pour installer le nouveau radeau de survie, changer une durite au dessalénisateur, et du bricolage où il faut être deux !
Un grand MERCI à eux.
Puis Mimie cuisine très bien et Coco a toujours une blague au coin du bec, supers navigateurs en plus, Vendéens, de surcroît ! Vive le Vendée Globe ! On se revoit à Saint-Gilles-sur-Vie, les amis 😉 ( ville qui a fusionné avec Croix de Vie, pour devenir Saint Gilles Croix de Vie)

Au départ de Marie Galante, c’est pétole au lever du jour. Le vent prévu est très faible, dit la prévision météo, pendant au moins 3 à 4 jours. Mais j’y vais, certain de ma date de départ, car la veille j’ai accompagné le déjeuner d’Éric DUMONT, qui m’a bien conseillé pour la météo. Il m’a demandé « Tu connais la loi de Buys-Ballot ? »
Je me suis replongé dans le livre du Cours des Glénans, qui m’a été offert par ma chérie, avant mon départ de métropole.

La loi de Buys-Ballot : Face au vent, dans l’hémisphère Nord, les zones de basse pression (dépression) sont toujours sur la droite et tournent dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Toute ma stratégie de navigation va reposer là-dessus ! 😉

Si vous désirez  embarquer sur AIR DU TEMPS, prenez votre sac, votre patience, votre bonne humeur, hissez la Grand-Voile. Ne commencez le voyage que si vous avez le temps pour ça, le récit va être long, très long….
Sinon remettez à plus tard 😉

Vous êtes toujours là ?
Donc, en route vers les Açores,  Île de Florès  « l’ile aux fleurs » la plus au Nord-Ouest de l’archipel des Açores

La Pointe Des Chateaux, extrémité Sud-Est de la Guadeloupe

Au sortir de Marie Galante, je salue l’îlet du Vieux Fort, que l’on a contourné nombre de fois à la régate du samedi : « La 10 heures pétante », (le départ en face de chez Henri, célèbre pub de St Louis) avec Cayman III, le Budeli 38 d’Alain.
Je continue sans oublier de saluer la longue plage de sable blanc, peuplée de cocotier, où viennent pondre les tortues imbriquées.
Je laisse à mon tribord Gueule Grand Gouffre, et je trouve un bon vent, pour croiser la Pointe des Châteaux, en un seul bord.
Je passe entre l’extrémité Est de la Guadeloupe et l’Ouest de la Désirade, dernière île que je verrai et garderai en mémoire pendant toute ma traversée. Pourtant c’est bien la seule île où je ne suis pas allé mouiller mon ancre.

Un jour peut-être.
Là, à quelques brassées de moi, passe un gros catamaran : TS52, (bateau issu du chantier Marsaudon de Lorient) , très rapide, qui peut aller à plus de 15 nœuds en croisière, alors que mon bateau n’excède que rarement les 8 nœuds.
Je le contact à la VHF, radio du bord. Il part en même temps que moi pour rallier, aussi les Açores. Petit à petit je le vois s’éloigner, je ne le reverrai jamais, et c’est le seul bateau à vole que j’ai rencontré durant toute ma traversée.

Au fait savez-vous pourquoi les marins mesurent les distances en miles nautiques (NM , Nautic Mile) et la vitesse en nœuds (NDS abréviation) ? 1nm = 1,852km. 1nds c’est la vitesse de 1nm par heure.
La Terre est ronde, et sa circonférence est divisée en 360°. Dans chaque degré il y a 60 minutes. Si on multiplie 360 par 60 et par 1,852  on obtient 40.003km qui est la circonférence de la Terre au niveau de l’équateur.
Donc quand on parcours en angle une minute on parcours un mile nautique. Un degré 60 nm.

Le premier jour, j’ai un peu de vent et le bateau avance bien, entre 5 et 6 nœuds de moyenne bouclant 117nm en 24h. Les deux jours suivants le vent faiblit, je rentre dans une « bulle anticyclonique énorme », point de passage obligé pour suivre la stratégie météo que je me suis fixée : 89nm en 24h. Le jour suivant, ça recommence pareil, le bateau n’avance que grâce au moteur, et à 4 nds, on se traîne.
Pourtant mon fichier de GRIB (fichier numérique des vents) me donnait des vents d’Est de 10 nds, pas rapide mais ça suffit pour avancer à la voile.
Puis vers 13h alors que j’étais dans la cambuse entrain de faire la vaisselle, je sens la houle se lever, l’éolienne se mettre à tourner rapidement. Ça y est, hourra, j’ai touché du vent ! Je déroule le Génois, Grand Voile haute et nous voilà partis à la voile, pour longtemps j’espère ! Du petit vent d’Est permettant de se passer de l’emploi du moteur.
Je vais donc pouvoir continuer à appliquer ma stratégie de route: remonter Nord jusqu’à la latitude des Bermudes, attraper la bordure de l’anticyclone, et comme un anticyclone tourne dans le sens des aiguilles d’une montre, je vais virer progressivement vers le Nord Est, en arrondissant ma route.

Le quatrième jour je parcours 185nm en 24h, à la moyenne de 7,7 nœuds !
Je contacte Éric DUMONT, qui est en Guadeloupe, en attente de partir dimanche en Transat.
Je lui donne ma position, par message avec l’iridium Go, et je lui explique ce que j’ai fait.
Il me dit que ma stratégie est la bonne, que je suis du bon côté de l’anticyclone, et que maintenant je peux faire route directe jusqu’à Florès.
Je suis toujours tribord armure depuis Marie Galante, c’est à dire que le vent arrive de tribord sur les voiles, au Bon Plein (90° du vent),  confortable pour que le bateau soit bien à plat sur l’eau. La houle, très longue en traversée de l’Atlantique, ne frappe pas avec violence sur la coque, elle soulève délicatement la bordée tribord.
Ainsi le bateau ne dérive pas et va par conséquence plus vite sur l’eau.
Pour avancer le bateau « pousse » son poids en eau, c’est à dire, que mon bateau chargé fait 9 tonnes.
Pour avancer Air Du Temps doit pousser 9 tonnes d’eau ! Costaud le type !
Et donc, au Bon Plein à 90° du vent, que l’on appelle aussi en terme marin le Débridé, c’est l’allure la plus confort et plus rapide pour avancer.

Le cinquième jour en contournant la bordure Nord Ouest de l’anticyclone le vent passe au Sud.
Il va falloir ouvrir un peu plus les voiles et le vent arrive de 3/4 arrière.
On est au Largue, allure Portante, très confort et rapide aussi. Mais là ça demande du réglage de voiles en permanence et on perd un peu de vitesse. Je vais m’y employer en réglant le Pilote automatique, (qui répond au vocable de Marco, surnom de mon papa) en mode « Vent ».
C’est à dire que le pilote va suivre la direction du vent, au lieu d’un angle de direction, appelé mode « Cap ».
Dès que le vent change de direction de plus de 10° un signal sonore m’avertit. Je modifie, ou pas, l’angle à donner au pilote pour, que malgré le changement de vent, le réglage des voiles ne soit pas modifié.
Malin hein ! Mais là ce n’est plus possible de dormir profondément, car en suivant la bordure de l’anticyclone, le vent se déplace dans le sens des aiguilles d’une montre. Donc, alarme, réglage presque permanent, et consignes à donner à Marco !

Ah ce Marco, il fait très bien son travail, ne dort jamais, ne mange que peu de courant, ne rechigne jamais sur l’effort, malgré les coups de vent qui peuvent arriver. Les deux premières nuits j’ai pris une forte dépression, plus de 30 nds de vent et de la pluie à m’en tremper les os malgré la veste de quart, sois disant imperméable !
C’est là qu’il faut qu’il soit costaud Marco ! Il l’est.

Le sixième jour, là c’est bon j’ai trouvé mon rythme de croisière pour dormir, les trois repas, la toilette, matin rasage, et soir douche chaude avant le coucher du soleil, grâce au sac à douche solaire, que je remplis d’eau froide le matin.
Il faut même faire attention car, en chauffant avec le soleil, la température peut atteindre plus de 40 °.
Puis vérification de tous les éléments du pont, le gréement, les voiles, les bouts, (il n’y a pas de corde sur un bateau, sauf la corde de la cloche que l’on utilise pour la faire sonner en cas d’incendie).
Et pour compliquer les choses, chaque bout possède un nom bien à lui, suivant son emploi, Drisse, Bosse, Garcette, Écoute, Drosse, etc…
C’est là, sur le pont, que je rencontre des poissons volants qui se sont posés délicatement sur le bateau.


Je les ramasse, garde les plus gros, que je vide, que je sale et j’accroche aux filières pour faire sécher au soleil. Très bon en apéro.
Mais comme je consomme zéro alcool en navigation, ce sera pour l’arrivée aux Açores.


Puis je télécharge tous les matins les fichiers des GRIB pour alimenter mon logiciel de navigation SailGrib, grâce à qui je peux savoir comment sont dirigés les vents, leur force, les isobares des dépressions et anticyclones  afin de définir ma nouvelle route et stratégie de navigation.
Une semaine de navigation 888 miles nautiques parcourus. Pas une grosse moyenne sur l’ensemble : 5,28 nœuds, mais c’est un bateau de croisière 😜.
Je longe toujours la bordure extérieure de l’anticyclone, c’est là que le vent est le plus fort, sans rentrer dans la dépression. L’anticyclône s’arrondit progressivement toujours dans le sens des aiguilles d’une montre.Donc ma trace aussi s’arrondit. Cela doit m’emmener dans 2 jours du vent d’Ouest. Ce ne sont que des prévisions.

8ème jour, ce matin j’étais sur la route d’un couple de Paille En Queue. Ils sont venus tourner pendant quelques minutes autour du bateau, jouant avec l’air qui entrait et sortait des voiles.
Ils chantaient, comme pour me saluer, et je les admirai, que la nature est belle !
Puis on a poursuivi chacun notre route…
Impossible de pêcher, il y a beaucoup trop de Sargasses, je passerai mon temps à les enlever de sur la ligne de pêche.
Ce matin beaucoup moins de vent que la veille. Étant au Portant, vent venant de l’arrière, je décide de hisser ma voile joker, un Code D. Spi asymétrique, (modèle A3 pour les connaisseurs) sur un emmagasineur.
Facile à mettre en place en solitaire et à enrouler. Dans le petit temps et jusqu’à 15 nœuds cette voile me fait gagner presque 2 nds. Elle sera en fonction jusqu’au lendemain matin.

9ème jour, je suis au milieu de nulle part. 1.000nm parcourus. Toujours un horizon vide sur 360°, que du bleu, mais de différentes nuances entre le ciel et la mer qui se confondent à l’infini.
Seul mais tellement heureux de vivre cette expérience extraordinaire.
Rien ne me manque et pourtant vous me manquez tous.
Je suis quand même relié à la terre par l’Iridium Go. Je reçois quelques messages, toujours des mêmes personnes, qui vivent en direct avec moi cette traversée. Ils me posent des questions, j’y réponds aussi vite que je peux.
Et puis, chaque jour à 12h UTC, message à mon « Ange Gardien » qui veille 24/24h sur Air Du Temps et moi.
Cet échange sécuritaire permet de rassurer.
Puis, à sa demande, j’envoie des nouvelles à Stéphane, mon fils, qui les publie sur le groupe WhatsApp.
Pour ceux qui ne savent pas trop comment communiquer, ils sont au moins informés.
J’ai passé la latitude des 28° Nord, à plus de 900 miles nautiques des Caraïbes. Fini la chaleur à 30°. Place à l’humidité nocturne jusqu’à 10h du matin, le temps que le soleil caresse mes arêtes.
Pour la nuit, dans ma couchette, j’ai rajouté sur le drap un duvet ouvert en deux pour conserver la chaleur du corps.
Et le matin j’utilise un sweat. J’ai prévu, avec l’expérience de l’an passé, il ne me manque rien.
J’ai emporté les chaussettes que ma fille, Aurélie, m’a offertes. 
L’an dernier, je n’en avais pas, c’est bien les pieds au sec !

Après 9 jours de navigation et 1160nm parcourus tout va bien à bord.
Hier en fin d’après-midi j’ai pris un bon coup de vent, 33nds, bien arrosé. 
Depuis quelques jours je suis la bordure extérieure de l’anticyclone, très calme autour des 10 à 12nds de moyenne, quelque fois moins, surtout après le coucher du soleil.
J’avais remarqué aussi que le baromètre montait régulièrement et hier il était à 1018,9 HPa, normalement par beau temps 1013. Le vent qui était au Sud-Ouest est passé au Nord-Est d’un seul coup, soufflant très fort. Anomalie météo !
J’ai pris la barre, viré de bord, tout s’est bien fini. Pendant presque une heure le vent ne baissait pas autour des 25nds. Puis d’un seul coup, plus de vent, 7nds, mer calme.
Et quelques miles plus loin j’ai vu sauter en se cabrant les nageoires pectorales d’une Baleine à Bosse
Cadeau de la Nature, merci la Vie !
J’ai veillé un peu plus cette nuit, ne dormant que légèrement, pour être à l’affût au cas où. 
C’est incroyable comme mon corps et mon esprit se sont modifiés pour m’adapter à ce rythme de sommeil. Normalement, dès que je me réveille en pleine nuit, j’ai énormément de mal à me rendormir. Alors que là, je plonge immédiatement dans le sommeil paradoxal, celui des rêves et de la récupération !

Le 7 mai restera un jour marqué par : la panne du pilote ! La partie mécanique du pilote est reliée au secteur de barre, qui commande le safran, (gouvernail), pour diriger le bateau.
Une pièce en inox sort du bras qui agit sur le secteur de barre.
Pièce formée d’un filetage qui rentre dans le bras et à l’autre extrémité une rotule qui, traversée par une grosse vis, est fixée sur le secteur de barre. Cette rotule ronde, s’est ouverte et s’est complètement allongée, d’un cercle c’est devenue une droite ! Après avoir démonté l’ensemble, j’ai essayé avec une pince étau, un marteau et une grosse clé à molette de marteler pour refermer ce cercle. J’ai réussi, mais je ne possède rien pour souder de l’acier et, … en plein Océan….
J’ai donc joué à MacGyver. Avec des colliers de serrage de tuyaux j’ai mis un collier autour du cercle de la,rotule, prolongé de part et d’autre sur la tige filetée puis un autre collier de serrage perpendiculaire pour serrer le collier le long de la tige filetée. J’avais donc une pièce très ressemblante à l’origine.

J’ai remonté l’ensemble sur le bras et le secteur de barre. Combien de temps cela va tenir ?… Après avoir été arrêté plusieurs heures pour réparer, j’ai été rattrapé par une bulle anticyclonique et je suis empêtré dedans.
Pour m’en dégager j’utilise donc le moteur.   Quand le pilote a cassé j’ai appelé Jacques et Alain qui ont coordonné leurs efforts pour trouver la pièce de remplacement et me la faire parvenir à Horta, aux Açores sur l’ile de Faial ou je dois aller après Florès.
Entre temps j’ai eu Éric DUMONT qui m’a dit qu’en cas de panne de pilote, il faut déterminer sa direction et attacher à la barre, un Bout côté sous le vent et un Sandow côté sous le vent. Ça permet de pouvoir lâcher la barre, ne serait ce que pour se nourrir ou un besoin urgent ! J’ai vu ça aussi dans le Cours des Glénans ! Il faut savoir user d’ingéniosité en cas de besoin…

9 mai. Douzième jour. Depuis deux jours la réparation du pilote tient bon. Toujours pas de vent, je suis en plein dans la bulle anticyclonique. Après 28 heures de moteur, une certaine inquiétude et lassitude s’installe. Aurais-je assez de carburant pour continuer ? Puis, je sens un peu de vent arriver, régulièrement. La girouette indique Sud, pas en tournoyant dans tous les sens, non,très régulier le vent.
Je déroule un peu le Génois et met le moteur au point mort. 5 a 6 nds de vent, et 3,5 nds de vitesse. J’éteins le moteur, silence, ça glisse!
Pas très vite au départ. Il est 10h. Ce rythme dure jusqu’en début d’après midi pour atteindre plus de 4nds.
Le soleil se couche. Arrive alors une zone de vent meilleure, la vitesse atteint 5nds, jusqu’à 20h pour atteindre 6 à 7nds dans la nuit.  C’est bien reparti.
Après avoir encore louvoyé dans la bulle anticyclonique, je trace direct vers Florès. À 21h, il reste moins de 700nm pour atteindre Florès.

Halo d’arc en ciel autour du soleil


11 mai, 14 jours de navigation, les Açores se rapprochent, ou plutôt on s’en rapproche.
Hier en fin de journée, ma route a croisé celle d’un groupe d’une dizaine de Dauphins, qui m’ont accompagné quelques minutes, pour jouer avec l’étrave du bateau et faire des cabrioles.
Puis chacun a repris sa route. Merci Dame Nature !
Après la Baleine à Bosse , les Dauphins, quel cadeau ! En plein milieu de n’importe où…
Aujourd’hui ça avançait très bien 148nm en 24h, entre 6 et 7 nds et une pointe à 8,2.
Ce soir il reste 425nm avant Florès, encore 3 ou 4 jours de navigation.
Pendant les jours qui ont suivi le vent est resté très régulier, mollissant un peu le soir, et durant la nuit autour des 8 à 9 nds. Puis se mettant à augmenter au lever du soleil. On parcourt 140nm de moyenne, quotidiennement.

Samedi 13 mai, avant dernière nuit de navigation, déjà plus de 2.000nm de navigation depuis Marie Galante.
Ce soir il reste 180nm. Soit plus de 24h pour atteindre Florès. L’approche est technique, car il y a encore à se faufiler pour éviter les molles. Puis c’est la première fois que j’entre dans ce port. Donc à part ce que l’on peut lire sur internet je n’en sais pas plus. Et l’arrivée est prévue de nuit, sans lune à l’heure où j’arrive.
Impossible de contacter le service de port de la capitainerie, c’est fermé depuis la tempête Lorenzo qui a ravagé le port, en 2019. Et puis c’est un tout petit port qui n’accueille qu’une dizaine de bateaux.

Dimanche 14 mai, dernier jour de navigation pour atteindre cette première escale. Je sors du carré et j’aperçois à quelques centaines de mètres de moi un gros cargo méthanier.
L’AIS (systeme automatique d’identification) moyen d’alerte de sécurité, m’avait prévenu qu’il était dans ma zone de navigation. J’ai pu ainsi le saluer, lui qui allait vers l’Ouest et moi vers l’Est.
Aussitôt je croise par deux fois, à quelques minutes d’intervalle, la route de quelques Dauphins, en pêche sans doute, car ils ne sont pas restés longtemps à jouer avec l’étrave, pour repartir aussi vite.

Je prépare mon arrivée de nuit à Porto Das Lajes, chargement des lampes frontales et celle de longue portée, révision du mouillage forain, l’ancre, des aussières au cas ou, lecture des instructions nautiques sur les installations du port, etc.
Ne rien négliger pour arriver en sécurité totale. Puis la nuit tombe il reste une trentaine de miles nautiques à parcourir. 21h15 Terre, terre, terre, île en vue ! J’aperçois les deux faisceaux lumineux des phares à occultation.
Il reste 19 nm. Trois heures avant d’arriver, ne pas dormir en zone d’approche, je prépare un rooibos et m’équipe avec ma veste et pantalon de quart, le harnais par-dessus.
Il faudra dans le dernier mile, enrouler le Génois, affaler la Grand-Voile et finir au moteur.
Toutes ces manœuvres se font du cockpit sans avoir besoin de se promener sur le pont, en plus de nuit ! Sécurité, sécurité ! J’ai mis une ligne de Vie dans le cockpit, je m’y attache !
Arrivé au niveau de la marque latérale de sécurité Rouge, donc à laisser à Babord, j’enroule le Génois et j’affale la Grand-Voile. L’entrée dans la baie est étroite, jalonnée d’énormes rochers représentés sur la carte mais impossible à visualiser tellement la nuit est de la même couleur que les rochers : Noire ! Je suis les autres balises clignotantes Rouge que je laisse à Bâbord puis j’aperçois l’avant-port. Il y a trop de bateaux pour que je puisse accoster. Je vais atterir à l’aide de l’ancre, en face de la plage, par 4 mètres de fond.
C’est terminé. Je l’ai fait. « On fini toujours par y arriver »
Pour y parvenir c’est beaucoup de préparation, minutieuse, ne rien négliger ou laisser au hasard, car on le paye cash. S’armer de patience, revoir ses connaissances, notamment sur la météo, puis choisir sa date de départ (jamais un vendredi ça porte malheur, ah ces marins avec leur superstitions!) en fonction de son plan de navigation et de la fenêtre météo favorable.
Puis prier pour que rien n’arrive, ne compter que sur soi, et prendre les bonnes décisions le moment venu.

Ci dessous : Porto das Lajes, Air du temps 3ème bateau en partant de la gauche

Chaque matin, quand je me réveille, le jour arrive, l’horizon s’enflamme orangé par le soleil, qui ne va pas tarder à sortir de l’océan. L’aube éteint une à une le scintillement des étoiles, et la lune, montante, qui grossit chaque jour a disparu dans l’horizon de mon tableau arrière. Le soir le soleil plonge dans l’Océan et disparaît de l’horizon, laissant place à l’arrivée d’une autre planète, la lune, puis s’allument une à une, une myriade d’étoiles et de constellations. Ma préfèrée : Orion. Trois étoiles alignées. Trois diamants. Comme mes trois enfants, tous différents, mais tellement brillants, à mes yeux, que même loin d’eux, la nuit, je les contemple. Cette constellation est inscrite maintenant en moi.
C’est magnifique cette Nature, sans cesse renouvelée, au quotidien, ces planètes qui nous entourent et sans lesquelles la Terre ne serait pas ce qu’elle est.
Ces éléments avec lesquels je m’émerveille au quotidien. Et que dire des Océans qui fournissent plus de 50% de l’oxygène que l’on respire. Ces Mers et Océans qui représentent 70% de notre planète, appelée la Planète Bleue. La Terre fait une révolution, un tour complet en 24h. Essayez d’imaginer. Vous parcourez sans bouger 40.000km par jour, soit près de 300 mètres par seconde. Si la Terre venait à s’arrêter brutalement, on serait projeté violement avant de s’écraser (ne restez pas près du mur 😁).
Alors être marin c’est pouvoir se déplacer sur l’ensemble du Globe, en toute liberté, à la voile, en autonomie énergétique en eau et électricité, à volonté et sans cesse renouvelée par le soleil, pour les panneaux solaires, par le vent pour l’éolienne, par l’eau de mer, pour le dessalénisateur, et le contact avec ceux qui nous sont chers, pour l’Amour de Transmettre et de Partager : ÇA!

J’ai une grande pensée pour Zaza et Alain, deux marins expérimentés qui ont traversé, eux aussi, chacun de leur côté, l’Atlantique. Eux qui luttent contre cette pu…. de maladie. On naviguera bientôt ensemble les amis. Puis à mes proches dont les cendres naviguent sur cet Océan, notre Gégé disparu il a déjà deux ans, et sa mamie Mamie Jo. Je passerai vous voir à Quiberon. 

Je finirais par cette merveilleuse chanson de Grand Corps Malade & Leila Bekhti – Le sens de la famille

Le prochain article sera lorsque nous, AIR DU TEMPS, Marco le pilote automatique et moi, quitterons les Açores vers la Bretagne natale de Clémence ESCOBAR, ma dernière petite fille née chez Julie et Stéphane le 12 avril dernier et que j’ai hâte de découvrir, comme une Terre inconnue, au terme de ce voyage.
D’ici là on vous souhaite plein de bonnes choses et à très vite!

Rendez-vous, dernière quinzaine de juin, à Lorient, terme final de cette transat, je vous embrasse TOUS …

Philou du bateau AIR DU TEMPS

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12 réflexions sur « Point Transat #3 – Marie Galante > Les Açores »

  1. Pascal Renoux 16/05/2023 — 14:13

    Bravo Philippe, tu l’as fait ! A te lire j’ai l’impression d’un poème à la mer où tu es en harmonie avec ton bateau et les éléments. Tu me fais penser à Bernard Moitessier qui n’était heureux que sur l’eau et dialoguait avec Joshua, son bateau qui lui répondait : » Donne moi du vent, je te donnerai des Milles ». Si tu peux me prévenir avant, je me ferai un plaisir d’aller t’accueillir à Lorient.
    Amitiés,
    Pascal (de Breskell)

    Aimé par 1 personne

    1. C’est très gentil ce que tu m’as écrit mais je suis très loin d’être Bernard Moitessier, c’est avec plaisir que l’on se verra en Bretagne lors de ma dernière étape de traversée.
      Amitiés et à bientôt j’espère

      J’aime

  2. Merci Philou pour la justesse et l’authenticité de tes propos ! Un des enseignements de Franck Lopvet que je commence à admettre c’est de ne pas se sentir responsable ou coupable des émotions que ressentent les autres lorsque nous nous exprimons. « On ne peut pas créer pour l’autre. Et l’autre ne peut pas créer pour nous » Franck Lopvet. Et si j’ai été touché par exemple par la sincérité de tes propos, c’est qu’ils expriment certains aspects de mon parcours. Je n’ai pas fait d’études universitaires. Je n’ai pas passé le bac. J’ai fait parcontre des formations tardivement et en cours d’emploi. Ton amour de l’écriture est visible. Bravo ! Amicalement Jean-Marc

    Aimé par 1 personne

    1. Bonjour Bernard et merci pour ton mey,
      C’est vrai ce que dit Franck à propos des émotions des autres. Ça cale bien avec les accords Tolteques. As tu lu ce bouquin ? Je pense que les propos que tu écrits sont aussi issus de ta réflexion par rapport à l’autre. « N’en faites pas une affaire personnelle » un des 4 accords Tolteques. Ce que l’autre dit c’est son propre ressenti, et quand l’autre se sent mal, il en sort beaucoup de mal. Souvent sur le premier venu.
      Excellente journée à toi et à bientôt.
      Amicalement

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  3. Vié Frédéric 16/05/2023 — 15:33

    Salut Didier,

    Je suis bien content que tu sois arrivé aux Açores, encore un petit effort après quelques visites et te voilà en métropole.

    On se donne rendez-vous à Oléron

    Bises

    Coco

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    1. Pas de soucis Coco, on se voit à Oléron, on doit arriver avec Clô là bas en juillet.
      Bisous.
      Philou

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  4. Félicitations à toi et air du temps qui t à emmené j usqu’à ta 1ere partie de traversée la plus longue ..tu as mérité un peu de repos et un bon vrai gueuleton ..ton récit et très prenant bisous a toi et encore bravo
    Denise et Janot

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    1. Merci Denise et Jeannot pour votre message. Je suis ok pour un bon gueuleton. Je vous dit quand je viendrai dans les Landes. Bisous à vous deux

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  5. Gérard Jerome 16/05/2023 — 17:31

    belle écriture philou ( du verbe aimer) au contraire car fraternelle et carguant les voiles du poète néo ulysse ! Ken a vo ma vod !

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    1. Merci beaucoup pour ce gentil message.
      Et peut être on se voit à Lorient.

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  6. Rencontre incroyable sur le trail désert et sublime entre Faja Grande et Ponta Delgada de 2 lorientais(e) et un californien…admirative de ton voyage, j’ai commencé à plonger dans ton blog.
    Bonne route vers Lorient, et rdv pour un Ty Punch à ton arrivée !
    Estelle (& Gilles)

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    1. Oui, quelle rencontre, sur le sentier !
      Bien sûr, on se verra à Lorient pour un ti punch à bord. Excellent fin de séjour aux Açores et joyeux anniversaire à Gilles le nouveau sexagénaire !

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