Point Transat #3-  El Hierro > Marie Galante

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Bonjour à tous ! Heureux de partager avec vous ces récits de nos instants intimes ou nous communions avec l’immensité de notre univers, la Mer, beauté naturelle du monde qui nous entoure.

Pour citer le poète Charles BAUDELAIRE.

Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer….

Vous êtes prêt(e), alors vous embarquez clandestinement dans notre intimité, c’est parti !

Départ de l’île de El Hierro

Les piscines de La Caleta, El Hierro

06/12/2023. C’est mercredi, le jour du départ.  Avec Alain on analyse bien la météo,  normalement on doit avoir du vent pendant quelques jours. Cette fois ci on ne pourra plus s’arrêter sur la route, 2.520nm (miles nautiques) en route directe, nous séparent de l’île de Marie Galante, située proche de la Guadeloupe.
Mais bien sûr,  il faudra parcourir beaucoup plus de distance pour y parvenir. Car le vent, notre seule source de motricité à la voile, nous oblige souvent à une autre route que celle tant espérée. Le vent, sa puissance, appelée « Force », la direction vers laquelle il souffle, appelée « Direction du Vent Réel », sont les deux facteurs prépondérants, à la route à suivre, appelée « Cap », ainsi qu’à la vitesse de déplacement du bateau.
C’est en analysant ces deux facteurs, force et direction du vent, que l’on choisira le type de voile à utiliser pour que le bateau avance dans les meilleures conditions possibles.  Le vent peut changer à tout moment. 
Pour choisir la route à emprunter,  nous utilisons les fichiers de prévisions météorologiques le plus précis possible et leur évolution.  Ceux-ci sont mises à jour au quotidien, stipulant toutes les 3 heures l’évolution du vent.
Mais quelques fois le vent que l’on rencontre en mer est différent de celui prévu dans les fichiers.
À 11h20 nous disons au revoir aux amis du catamaran Gaston, avec lesquels nous avons passé deux jours, puis nous sortons de la Marina de La Estaca.
Nous les reverrons peut-être, en janvier aux Antilles.  Au revoir El Hierro. Gaston prend aussi la mer mais leur prochaine destination c’est l’archipel du Cap Vert.
Eux vont vers le Sud,  nous normalement vers l’Ouest. 
Mais la direction du vent nous oblige à partir vers le Sud pour aller à la rencontre de vents plus favorable de l’Alizé de l’atlantique Sud. Pendant 48h nous ferons presque route commune avec Gaston, nous pouvons ainsi échanger par la radio du bord, la VHF,  quelques messages vocaux.
Notre route directe est en gros vers l’Ouest, Cap au 254 (on donne le cap par rapport à la direction de progression du bateau, l’Ouest étant à 270°).
Mais afin de pouvoir récupérer des vents plus favorable et d’éviter les zones anticycloniques (zones de non vent) en direction de l’Ouest, nous faisons route vers le Sud-Sud-Ouest, en direction du Cap Vert. Un léger vent nous accompagne, pas très rapide et pendant les premières 24h nous nous éloignons de 116nm d’El Hierro sans trop nous rapprocher de notre point d’arrivée. Cela nous écarte plus vers le Sud que nous rapproche vers l’Ouest.
Et oui c’est ainsi que notre traversée sera ponctuée de différents changements de direction (appelé « Virement de Bord », changement de direction lorsque l’on navigue face au vent, ou « Empannage » changement de direction lorsque le vent vient de l’arrière du bateau).
C’est le vent qui décide car nous naviguons uniquement à la voile ! C’est ainsi que le vent obligera Cayman 3 à progresser en zigzags, et ainsi parcourir beaucoup plus de distance que la route directe.

07/12/2023. Aujourd’hui c’est l’anniversaire de mon très bon ami Claude, rencontré il y a plus de 20 ans au cours d’un séjour commun en République Dominicaine. 
« Joyeux anniversaire Loulou. » Entre nous il ne se passe pas une journée sans que nous ayons une pensé l’un pour l’autre, c’est un ami, plus qu’un ami même, comme un frère, puisque nous partageons nos vies. Certes le bateau ce n’est pas son truc, mais il connaît très bien mon propre bateau, « Air Du Temps », où il est venu, avec sa femme, Édith,  naviguer une semaine à  la découverte des îles, autour de la Guadeloupe.
Nous croisons la route de dizaines de Dauphins. Des Dauphins gris, qui déboulent par salves de 3 ou 4, très joueurs, qui nagent de part et d’autre du bateau, flirtant avec l’étrave de Cayman3, lui qui fend inexorablement la mer, poussant des tonnes d’eau pour avancer. Cayman pèse un peu plus de 5 tonnes en ordre de navigation. 
C’est aussi le poids d’eau nécessaire qu’il doit déplacer pour avancer. En écartant la mer, cela provoque une vague dont profitent les Dauphins pour faciliter leur progression.
C’est une des raisons pour laquelle ces mammifères aiment accompagner les marins au cours de leur voyage. Vidéo des Dauphins
Nous naviguons sous Grand Voile et Spi Asymétrique depuis hier. Vidéo de Spi Asymétrique
Le vent s’accélère progressivement, nous propulsant ainsi vers l’horizon d’un bleu infini, aux nuances distinctes entre le ciel et l’eau qui entoure  notre quotidien.
Cayman3, heureux de  nous porter sur l’Océan, atteint peu à peu des vitesses inhabituelles,  entre 8 et 14nds (nœuds, 1 nœud=1,852km) avec une pointe à plus de 17nds !
Il en sera ainsi pendant toute la journée, la vitesse du vent va atteindre plus de 20nds nous obligeant à prendre un Ris, c’est à dire à diminuer la surface portante de la Grand Voile en l’abaissant significativement de plus d’un mètre. Le bateau n’avance pas moins vite, mais le vent force beaucoup moins sur le gréement, et empêche de trop gîter.
Durant ces dernières 24h nous parcourons plus de 200nm, le record de cette traversée.  Les jours suivants le vent se calme et nous abandonne parfois, laissant place au doute, sur  la route à emprunter. Plus vers le Sud, pour éviter les zones de dévente, mais nous écartant significativement de la route idéale, ou plus vers l’Ouest, pour gagner des miles par rapport à la route Sud mais nous éloignant des vents plus favorables…
Afin de choisir plus précisément nous utilisons une application, comme PredictWind qui nous permet de visualiser en temps réel et sur plusieurs jours, avec une précision théorique, la direction et la force du vent. Cette aide décisionnelle nous accompagne tout au long de notre voyage sur l’Océan,  et nous pouvons la consulter librement grâce à la connexion internet par satellite, possible par la technologie qui a été ajoutée sur  Cayman3.
C’est Vincent, beau frère et ami d’Alain qui a mis au point, et adapté, sur le bateau cette merveilleuse prouesse proposée par Elon MUSK : Starlink.
C’est un abonnement internet pour les gens itinérants qui voyagent sur Terre et sur Mer, ou ceux qui vivent isolés du réseau filaire de l’opérateur historique, presque partout à condition d’avoir accès au ciel.
Je vous invite à y jeter un œil !
Donc un grand MERCI à  Vincent.

Au cours des jours suivants la route se dessine en zigzags continus, au rythme de la météo rencontrée, nous obligeant à empanner pour conserver le contact avec le vent plus favorable et poursuivre inexorablement notre quête vers l’Ouest.
Un matin j’aperçois un Globicéphale, c’est pour moi la première fois que nos routes vont se croiser avec ce type de mammifère marin. Il fait partie de la famille des Delphinés.
Dauphins au melon frontal fortement développé, ce sont des animaux sociaux qui se déplacent le plus souvent en bandes pouvant aller d’une dizaine à plusieurs centaines d’individus.
Mais celui-ci qui s’est rapproché à moins de cinq mètres du côté bâbord, était venu nous voir en solitaire avant de disparaître aussi vite qu’il est arrivé.

14/12/2023. Aujourd’hui, huitième jour, nous nous sommes éloignés de 1092nm de El Hierro,  mais la route est encore longue pour Marie Galante.
C’est aussi l’anniversaire de mon neveu Lucas, 14 ans aujourd’hui, voyageur, qui a réalisé avec ses parents et ses deux sœurs, un tour du monde en famille, sur tous les continents, de 2019 à 2020. Joyeux anniversaire Lulu !
Nos jours sont rythmés par les occupations quotidiennes, préparation des repas, entretien du bateau, petites et grosses réparations, matelotage ( opération qui consiste à entretenir le gréement, courant ,appelé « Cordage ») lecture, écriture, discussion,  prévisions météo, informer nos proches par internet, la pêche… On ne pechera que deux petites dorades pendant cette transat, trop petites pour être mangées. Nous leur rendons leur liberté.
Puis la nuit arrive, l’heure de veiller pour l’un et de dormir, pour l’autre en alternance toutes les deux heures.  Personnellement je m’octroie, en plus, quelques heures de sieste la journée, petit CLUK (comme on dit dans les Landes), et ça, quand mon corps le réclame. 
Je m’isole donc dans ma cabine arrière, laissant Alain à  ses occupations.
La nuit tapisse la voûte céleste d’une multitudes d’astérisques, comme des vers luisants en suspension. Ces étoiles me font penser aux êtres disparus qui m’accompagnent inlassablement durant ces traversées nocturnes sur l’Océan.  Jérôme,  Mami Jo, mon cousin Jean-Pierre, cette année tonton Pierre d’Embrun, ma cousine et sa maman Henriette, mes chers parents, grands parents et plus encore. 
Mais cette nuit une étoile filante à traversé le ciel au dessus du portique arrière, m’invitant à faire un vœu pour l’avenir. Et peut-être aussi pour me dire que ce monde astral n’est pas figé,  comme nos vies qui évoluent dans cet espace qu’est l’Univers.
Faire confiance en l’Univers, lui confier nos vies, et croire au bien qu’il nous propose, chaque jour.
La lune s’est cachée et arbore depuis quelques nuits sa face la plus sombre. Puis la forme d’un tout petit croissant montre son contour lumineux, en réverbération sur notre route, éclairant notre sillage.
L’aube arrive à  grands pas, effaçant le crépuscule, éteignant les étoiles, qui de son astre brûlant réchauffe nos corps caressés par la douceur des Alizés, qui soufflent très timidement dans nos voiles.

L’astre lunaire éclaire notre route

17/12/2023 Bienvenu à Terii qui a vu le jour ce main chez Alice et Julien, amis d’Alain, qui vivent sur leur catamaran à la marina Bas du Fort, de Gosier, en Guadeloupe. Sa sœur Naïa va être heureuse de partager sa vie avec son petit frère. 
Dans cette famille de marins le mari et la femme sont tous les deux des skippers, « Capitaine 200 voile ». Le couple prépare depuis cette année leur catamaran pour partir, par le canal de Panama vers les îles du Pacifique.  Maintenant que Terii est arrivé, l’équipage, qui s’est grandement renforcé, est prêt au départ. Souhaitons leur bon vent et bonne mer.
Jules mon petit fils aîné fête aujourd’hui ses 15 ans. Joyeux anniversaire Jules. Joueur de tennis confirmé, classé « trente-un » 30/1, il s’engage cette année pour le difficile concours d’accès au titre de ramasseur de balles du tournoi international de Roland Garros.
Il a passé les épreuves préliminaires, il est qualifié pour un stage de qualification final. Croisons les doigts pour qu’il réussisse !
Ce matin on attend toujours le vent qui va nous propulser plus rapidement vers l’Ouest. Ces dernières 24h nous avons parcouru 120nm, et toujours en zigzags.
Cela ne nous rapproche pas beaucoup du but.
Le vent est tellement faible que la houle de travers domine le vent. Le bateau est  secoué par ces vagues incessantes,  rendant la navigation plus inconfortable encore.
Puis en fin de journée un souffle venu du Sud-Est vient gonfler le Spi Asymétrique à plus de 10 nœuds, apportant plus de vitesse et de confort.
Un bateau apparaît sur l’écran de l’AIS,  “Automatic Identification System”. C’est un outil et une aide à la navigation. Il permet de transmettre aux navires (équipés d’un récepteur), les informations relatives aux navires émetteurs dans un certain rayon (position, cap, vitesse, route de collision, etc…).
Ce bateau s’appelle NEMO. C’est un voilier de 11m de long sur 5m de large, sans doute un catamaran. Il est à 10nm devant nous, et il suit probablement la même route que nous. On ne peut le percevoir à cette distance.  J’essaye de le joindre par radio avec la VHF,  il ne répond pas.
On se sent seul au monde sur cet océan,  on ne pêche rien, on ne voit personne,  pas un seul bateau, seuls les éléments qui nous entourent nous indiquent que nous sommes vivants…
Grâce au lien internet, nous conservons un lien avec nos proches. Et cela nous confirme que nous sommes vivant. Nous souhaitions arriver avant Noël pour fêter ça à terre, mais je crois qu’il va falloir reconsidérer cette possibilité.  C’est dans 7 jours et il nous reste encore 1.200nm pour atteindre Marie Galante. 
Il faudrait réaliser une moyenne de 200nm par jour pour y parvenir. Mais en même temps nous n’avons personne qui nous attend. Peut-être « Les Pirates » ?

18/12/2023 C’est aujourd’hui l’anniversaire de Julie, la femme de mon fils Stéphane de Lorient.
Elle fête son dernier anniversaire de trentenaire. Joyeux anniversaire Julie, entourée de Valentin et Clémence leurs deux enfants.


On l’attendait, il est enfin arrivé,  ce matin vers 10h. Merci à Éole de nous faire ce gentil cadeau, il est suffisamment puissant, bien orienté, et va nous permettre de faire Cap direct vers la destination finale, Marie Galante. 
On est depuis plus de 10 jours avec le Spi Asymétrique et là en 3h on va parcourir 31nds, plus de 10nds de moyenne. La veille en 24h on avait parcouru 124nm., soit un peu plus de 5nds de moyenne. Voir la vidéo du sillage de Cayman 3 à grande vitesse
Le vent se renforce un  peu en fin de journée et il passe du Sud-Est au Sud. Il va encore se renforcer durant la nuit, nous prévoit le fichier de PredictWind.
On choisit donc d’affaler le Spi et de le remplacer par le Foc, voile beaucoup plus petite. Certes on va perdre un à deux nœuds de vitesse, mais comme le temps se couvre et que la pluie et les éclairs annoncent de l’orage, il est plus prudent de procéder ainsi avant la nuit.
Le choix a été payant, car pendant la nuit, le vent passe du Sud-Est au Nord-Est , brutalement,  sans prévenir le bateau vire de bord en mettant le Foc à contre (contre le vent). Imaginez sous Spi Asymétrique la galère que ça aurait provoqué….
Alain qui est de  quart, fait le changement d’amure rapidement et en sécurité. Nous repartons sous un vent beaucoup moins favorable en puissance, mais en 24h nous avons parcouru 188nm comparé aux 124nm de la veille. La nuit a donc été chaotique, et notre sommeil est très perturbé.
Dans la matinée du 19 décembre, la pluie cesse.
Les sargasses font leur apparition. Nous sommes au Nord du courant qui remonte du Brésil, d’où arrivent ces algues envahissantes et nauséabondes. Il y a fort longtemps elles remontaient jusque sur les côtes Américaines de la Mer des Sargasses.

Mais les courants marin ont évolué avec le temps. Ces algues dérivent maintenant vers l’Ouest à destination des côtes Antillaises.
Il est 13h45 nous sommes à 900nm du point d’arrivée.
Avec ce bon vent qui nous pousse à 9nds de moyenne, si cela continue ainsi comme le prévoit la météo on sera pas loin des côtes pour fêter Nwel Antillais !
On lance les pronostics, le vainqueur se verra attribué une bonne bouteille de rhum de Marie Galante.

19/12/2023 Quelle nuit !!?
Heureux que cette nuit s’achève de la plus belle des manières.
Elle avait très mal commencé :
Le soir vers 22h, Alain était de quart, je dormais dans ma couchette d’un sommeil profond.
Nous étions bien secoués depuis le milieu de journée, surtout lorsque l’on a rencontré les Sargasses qui annonçaient que nous étions dans le courant Nord qui remonte du Brésil.
Je sentais bien l’inconfort qui régnait. Mais Alain, subit en une fraction de seconde, l’arrivée d’une incroyable tempête dont les vents soufflaient à plus de 50 nœuds. Il a dû faire face, seul, à plusieurs empannages alors qu’il essayait de prendre deux Ris dans la Grand Voile.
Alain entre à l’intérieur du bateau, complètement inondé par la pluie, qui pénètre en bourrasques violentes dans la descente du Carré.
Immédiatement réveillé, je lui porte mon aide. Je m’équipe avec mon harnais. C’est à ce moment-là que le bateau penche de plus en plus, il a tellement de gite que je me plaque au plancher pour rester debout. Puis Cayman se couche sur tribord pendant un long moment. Les secondes semblent des minutes… Se redresse. Puis se couche une deuxième fois. La Bôme qui est dans l’eau ne facilite pas le redressement
Le bateau se redresse enfin. Définitivement !
Toujours ce vent qui n’en finit pas. Je sors du carré, puis m’attache à un point d’ancrage dans le cockpit, le but est d’enrouler complètement le Foc sur l’Etai. C’est fait. Ouf !
On a juste la Grand Voile avec deux Ris, et le bateau fait de grandes embardées, la houle de cette mer déchaînée frappe de tous bords sur la coque. Cela va durer jusqu’à minuit.
Le vent redescend à 25 nœuds, on déroule un bout de Foc pour que le bateau soit plus manœuvrable. A deux heures du matin, tout redevient normal, on reprend les quarts de nuit, toujours sous deux Ris dans la Grand Voile.
Il est 5h50, on vient de passer sous la barre des 800nm restant à parcourir.
Tout va bien à bord, hommes et Cayman 3 en bon état.
On attend le lever du jour pour faire une inspection complète du gréement, car il y eut de nombreux empannages involontaires. Le mât a tenu le coup 👍
Le jour efface cette nuit, et nous propose un temps relativement apaisé.
Le soleil pointe ses rayons orangés sur l’horizon dégagé, de ces nombreux nuages qui ont déversé sur nous leur trop plein d’humidité.

21/12/2023 C’est le dernier jour de l’automne. Demain c’est l’hiver qui s’installe dans le calendrier. Un hiver ici, au Sud du Tropic du Cancer, moins rigoureux qu’en métropole. Il sera rythmé par le carnaval, à l’époque de mardi gras, annonçant un temps sec et chaud, pendant toute la période de Carême, jusqu’à Pâques.
Le vent n’est pas franchement établi et l’habituel Alizé ne pointe pas le bout de son nez.
Il nous faut bien étudier les fichiers des vents pour savoir où ils vont être plus favorables.
Nous naviguons sous Spi Symétrique et Grand Voile haute. Le bateau avance à 6,5nds.
Alors on profite de la chaleur et du soleil pour s’asseoir sur la plage, celle à l’arrière de Cayman, pour tremper nos pieds dans l’eau à 28 degrés et s’asperger de temps à autre d’un seau d’eau de mer, pour se rafraîchir. Il en sera ainsi jusqu’en fin d’après-midi.
La soirée arrive. D’un seul coup de nombreux nuages noir entourent Cayman.
En regardant les instruments du bord, on s’aperçoit que la girouette électronique, située au sommet du mât, faisant fonction d’anémomètre affiche n’importe quoi : la direction du vent est inversé de 180 degrés par rapport à l’existant et que le vent souffle à plus de 350nds.
Si ca se produisait, il y aurait en mer des creux de plus de 15 mètres !

TWS (True Wind Speed) : Vitesse du vent réel, ici 352 Noeuds soit 650 km/h. Impossible !!!

Bref, il ne faut plus se fier à cet instrument. Il nous reste néanmoins la girouette mécanique qui indique assurément la bonne direction du vent.
Cette fois-ci on va pas se laisser surprendre par le mauvais temps qui survient. On affale le Spi Symétrique, on réduit la Grand Voile de 2 Ris, puis on déroule juste un petit bout de Foc.
A peine ces opérations de sécurité terminées, il va pleuvoir des trombes d’eau, anéantissant le peu de vent, qui nous permetait d’avancer.
On est en short de bain, on en profite pour bien se faire arroser par cette eau naturelle que l’Univers nous envoie, la première douche d’eau douce depuis plus de 15 jours !
La pluie tue le vent, dit-on. Sans vent, le bateau s’arrête et part en marche arrière.
Cela permet ainsi, d’enlever toutes les Sargasses qui s’étaient agglutinées dans les safrans et autour de la quille.
Un éclair, issu de l’orage, explose à quelques mètres de Cayman3, ne causant aucun dommage apparent.
La déflagration est arrivée en même temps que le feu d’artifice ! C’est qu’il n’était vraiment pas loin.
Cette averse va durer plus d’une heure, le vent très faible ne propulse plus le bateau qu’à 2nds, ce qui lui permet d’être bien stable. Il n’y a plus de houle, on se croirait sur un lac.
Au sortir des nuages, la pluie cesse, et le vent revient petit à petit, nous avançons à moins de 4nds.
Le 22 décembre à 7h00 du matin nous passons sous la barre des 500nm théoriques de l’arrivée. En route directe bien sûr !
Théorique car le vent n’est toujours pas favorable à la route que nous désirons tracer, il faudra encore « tirer des bords ». Ça fait deux jours de suite que l’on parcourt 130nm en 24h, à cette vitesse là il nous faut 4 jours pour arriver.
Le 23 décembre nous parcourons encore moins que la veille, 114nm, il reste 350nm pour rejoindre Marie Galante, mais l’atteindrons nous vraiment directement.
A ce rythme on va se retrouver en Martinique ou plus au Sud encore.
Si l’on veut y arriver il va falloir que le vent souffle plus vers le Nord-Ouest, car pour l’instant, même avec avec le Spi Symétrique, voile qui nous permet de naviguer à plus de 150 degrés du vent, nous faisons Cap au 270 ( plein Ouest) alors que l’on devrait faire Cap au 305 (Nord-Ouest).

24/12/2023 Sur Cayman3 est installé un hydro générateur. C’est comme une éolienne, mais elle est immergée, fixée au bas du tableau l’arrière. C’est la vitesse de déplacement du bateau qui donne la vitesse de rotation à l’hélice de cette génératrice de courant, pour alimenter les batteries, seule source d’énergie du bord.
Depuis deux jours le peu de vent que nous avons ne suffit pas, à faire tourner l’hydro générateur à grande vitesse, pour produire le courant nécessaire. Nous sommes obligés d’arrêter le routeur de notre connexion internet Starlink. Nous l’utiliserons uniquement pour relever les fichiers météo.
On ne communique plus trop avec les personnes qui nous suivent actuellement.
Et puis en cette période de fête, elles doivent avoir plein d’occupations, ce qui alimente peu les conversations des groupes WhatsApp habituels. On fera une session de rattrapage à l’arrivée.

Cette nuit vers 3h du matin, on naviguant sous Spi Symétrique et Grand Voile haute, Cayman3 s’arrête, plus un souffle de vent. Du coup, le bateau part en marche arrière, le Spi s’enroule autour de l’Étai du Génois. On ne pourra plus rentrer le Spi dans sa chaussette. On s’apprête à l’affaler comme on peut. C’est à ce moment là que la pluie et le vent sont arrivés. On a pu en partie faire descendre le Spi sur le Pont et un peu dans l’eau, le désentortiller de l’Etai, et ramener le tout en lieu sûr.
Nous repartons au moteur, à 4nds de moyenne pendant 3h30, jusqu’à ce qu’un souffle d’air apparaisse. Une légère caresse d’air sur nos visage semble nous indiquer qu’il va falloir déployer nos voiles. Le Spi Symétrique est rangé mouillé et en vrac. On hisse le second Spi, l’Asymétrique, (c’est à dire que contrairement au Symétrique qui se déploie de part et d’autre de l’axe du bateau, l’Asymétrique se positionne du côté sous le vent, pour le recevoir.
Toute la journée le peu de vent nous permettra d’atteindre la vitesse de 3,5nds de moyenne. Il fait beau et chaud et nous voilà englués dans un Anticyclone puissant. Moteur à nouveau. Un peu plus tard dans la matinée le soleil réchauffe suffisamment pour que l’on puisse étaler la voile du Spi sur le Rouf (toit de la cabine) pour le faire sécher, secteur par secteur. 
Puis préparation du dîner de réveillon que nous prenons en terrasse du cockpit.
Royal au bar ! Zéro alcool pour fêter l’évènement, « Il est né le Divin Enfant … »

Joyeux Noël, Repas en terrasse de Cayman3

Après toute la nuit à naviguer au moteur, au lever du jour, Éole nous fait un tout petit cadeau : du vent, son vent, qu’elle* vend, cher à priori ! *(Eole est un homme, mais pour le jeu de mot « elle » est mieux que « il »)
On s’en contente et on ose repartir à la voile, rose, (voile rose pour oser, anagramme !).
Vers 6h30, le jour n’est pas encore levé, nous croisons en sens inverse, pour la première fois depuis El Hierro un navire, un cargo de 190m de long. Je lui envoie des appels lumineux ainsi que des bips par 3 fois avec le combiné de la radio VHF, cela signifie que je l’ai en visu, il répond de la même manière.
Il nous évite et passe dans notre tableau arrière à quelques centaines de mètres.
Tant bien que mal, on avance très doucement, dans la journée, avec peine à 2 nœuds de vitesse.
Cela va nous permettre de faire un truc dont on rêvait depuis quelques jours.
Alain sort un bout, attache un pare-battage, qui fera office de flotteur, à une extrémité et l’autre partie sur un pontet, près de la plage arrière.
On va pouvoir se baigner dans une immense « piscine » : l’Océan Atlantique.
L’eau est à 28 degrés, ce qui nous rafraîchi grandement, car avec le soleil brûlant et sans le vent il doit faire plus de 40 degrés. On va profiter de cette activité,  sans compter, jusqu’au coucher du soleil. Puis nous rangeons le matériel.

Se baigner en navigation

Toute la nuit on va continuer à naviguer au moteur car nous y sommes contraints, faute de vent.

25/12/2023 Joyeux Noël à toutes et à tous, avec ceux qui vous sont chers, les plus proches de vous. Peut-être certains de ceux que vous aimez sont loin, très loin de vous.
Mais cela ne vous empêche pas de penser à eux, de les aimer et de dire tout l’amour qui est en vous.
Les technologies que nous avons tous à notre disposition aujourd’hui, permettent de faire cela : Communiquer, Partager, Dire et Montrer tout votre AMOUR pour l’Autre.
Certes, passez du temps avec ceux qui sont proches, mais n’oubliez pas que, les personnes éloignées pensent aussi à Vous.
Dites leur votre Joie d’Aimer.

Pour la nuit on va utiliser le moteur pour engranger des miles, sinon on n’arrivera pas avant le prochain réveillon de l’an.
Cela a dû conjurer le sort car deux heures plus tard, du bon vent nous arrive et nous soutient toute la nuit jusqu’au lever du jour, on avance à plus de 5 nœuds de moyenne.
Exceptionnel, n’est-ce pas !

26/12/2023 Au matin, il nous reste 70nm à parcourir. Le vent semble nous accorder sa confiance, et nous lui rendons bien, en essayant de l’utiliser le mieux possible, sans le gâcher.
On est toujours à la voile.
On se demande d’ailleurs comment. En consultant les fichiers météo, les prévisions étaient du vent force 1 à 2, c’est à dire de 1 à 6 nœuds.
Et là, sans doute magie de Noël, le cadeau d’Éole qui continue de nous propulser vers le but final. On rencontrera du vent de Sud, d’Ouest, de Nord et enfin d’Est, tout ça en moins de quelques heures, car nous naviguons sous les gros nuages bas.
11h57 local : Terre, Terre, Terre, Marie Galante en vue il reste 31nm.

Ce nuage de pluie intense qui arrive vers nous

On attend que les derniers nuages noirs annonciateurs de grains passent, puis on envoie le Spi Asymétrique. Le vent vient de l’Ouest, chose très rare dans cet endroit de l’Atlantique.
On est Bâbord Amure. Puis finalement le vent se rétabli peu de temps après et passe à l’Est, on empanne, Tribord Amure.
On n’avance plus qu’à 2nds. On est contraint d’utiliser l’assistance du moteur pour terminer.
On est très proche de la côte Est de Marie Galante.
Alain descend dans le carré, il sent une drôle d’odeur côté moteur. Il enlève l’échelle de la descente, servant de capot au moteur, et s’aperçoit qu’il y a plein de liquide de refroidissement qui s’est échappé.
Je stoppe le moteur immédiatement. Alain constate : effectivement le moteur a surchauffé. Il a perdu un litre et demi de son précieux liquide.
Alain complète le niveau et vérifie le bouchon soupape. « Pourquoi et comment c’en est arrivé là », se demande-t-il ?
Il va falloir laisser le moteur redescendre en température.
Du coup on est obligé d’avancer de nouveau à la voile, sans vent et près des côtes; pas facile !
Le moteur s’est refroidi, nous repartons sans problème.

Apprécions l’astre qui se couche pour la dernière journée de notre Transat et disparaît derrière l’Océan

Dernier coucher de soleil de notre Transat

19h, il fait maintenant nuit, mais c’est presque la pleine lune (Full
Moon c’est le 27/12).
Super pour voir le plan d’eau à la recherche des casiers et engins de
pêche, mais dangereux pour l’hélice du bateau, que les locaux implantent en bordure de côte, pour capturer
les délicieux poissons qui baignent là.
Nous affalons la Grand Voile après 20 jours et 12 heures de
navigation.
Nous amis Vendéens sur leur bateau nous attendent au mouillage.
Nous sommes bien arrivés à St Louis, là, les « Pirates », Pierryl, (Coco pour les intimes) et Mimie, nous ont réservé un accueil mémorable.
Coco est arrivé à notre bateau, avec son annexe pour nous chercher, et nous inviterà leur bord, sur Campos, leur magnifique Sun Odyssey 410. Puis il nous propose un Ti Punch, tant désiré après tout ce temps à jeûner.
Mimie nous confectionne des galettes bretonnes complètes, avec un œuf miroir. Ça nous remplit bien le ventre. On converse sur les aventures de notre traversé, et eux sur leur programme depuis leur
arrivée , début novembre, pour leur séjour de 6 mois aux Antilles,
sur leur bateau. C’est toujours très bon et convivial au Lolo « Chez
Mimie »…
Puis Coco nous raccompagne sur Cayman3 où nous attend une nuit
sans quart, pour bien récupérer des 20 nuits précédentes… Petite
vidéo de navigation

Après plus de 3.000 miles nautiques, soit plus de 5.500 kilomètres, une nouvelle traversée de l’Atlantique s’achève en 20 jours et 12h. Nous avons dû nous employer en permanence à la recherche de la meilleure route, imposée par ce vent très capricieux.
Avec Alain nous sommes d’accord, : Jamais une Transat n’avait été aussi difficile et pénible à cause des conditions de vent pour le moins désagréables.
Les fameux Alizés ne sont pas encore établis. Courage pour ceux qui partent dans les jours à venir comme Gaston, les amis rencontrés a El Hierro.
Point très positif, cela nous a permis d’utiliser et d’optimiser tous les moyens pour y parvenir, choix du logiciel météo, PredictWind, choix des voiles, Spi Symétrique ou Asymétrique à plusieurs reprises, Foc, prendre des Ris dans la Grand Voile ou les relâcher. Finalement un bon entraînement pour la prochaine régate de Marie Galante : « La 10 heures pétante » qui a lieu chaque samedi pendant l’hiver, au départ devant chez Henri.
Ou alors un bon entraînement pour la …. prochaine Transat !

Alain est parti le 14 octobre de l’île d’Oléron avec Vincent, qui a débarqué à Lanzarote. Puis Alain est rentré une semaine en avion aller-retour à Oléron pour des examens de santé. Nous sommes parti ensemble d’Oléron le 27 novembre pour retourner au bateau. Nous sommes donc partis le 29 novembre, de Lanzarote pour l’île de La Palma, puis à El Hierro, directement jusqu’à Marie Galante où nous sommes arrivés le 26 décembre 2023.

Je suis parti de Marie Galante le 27 avril 2023 avec mon Jeanneau Sun Fizz AIR DU TEMPS, pour le ramener jusqu’à l’île d’Oléron.
J’arrive avec Le Budelli 38, CAYMAN 3,  d’Alain DAGUET. à Marie Galante le 26 décembre 2023, 8 mois après, à un jour de différence.

Même endroit, même mouillage, « Les Pirates » en avril et en décembre pour m’accompagner dans mon départ et notre arrivée.
En tous temps, ce sont des Amis sur qui on peut compter !! Merci « Les Pirates » Coco et Mimie.

Mon plus grand rêve était de traverser l’Atlantique,  et c’est maintenant la cinquième fois qu’il se réalise.
Je me rends compte qu’une fois réalisé un rêve n’en est plus un, et qu’il faut en créer un autre, pour recommencer.
A quand le prochain …. avec qui et comment ?

Dernière minute : Je viens de recevoir un message de mon ami le célébré navigateur Eric DUMONT, deux Vendée Globe dont une place de 4ème en 1997.
Il me propose de naviguer en sa compagnie sur deux Transat, une en Mars et l’autre en Mai de cette année. Ce serait sur des catamarans rapides genre TS42 nommés maintenant ORC52 du chantier Marsaudon de Lorient.
Donc, à suivre…

Eric DUMONT

Merci à vous tous pour vos gentils messages, vos délicates intentions, pour nous avoir accompagnés sur la route qui nous a conduit de Lanzarote jusqu’à Marie Galante.

Et comme nous sommes Gaulois, le barde vous propose une petite vidéo/chanson créole sur Marie Galante – Jah My à voir ABSOLUMENT. (Séance de rattrapage, déjà dans l’article précédent)

Enfin un dernier hommage à notre rocker, décédé en décembre 2017, 6 ans déjà,, qui nous chante comment Vivre pour le meilleur

On vous donne rendez-vous prochainement. Pour moi, dès que mon bateau sera prêt, je repars de l’île d’Oléron, vers de nouveaux horizons lointains qui m’emmèneront, je ne sais où, sans doute vers de nouvelles aventures, à vous conter, si vous le voulez bien. J’adore ça !
Partager, Aimer et Transmettre c’est toute ma vie….
Un grand MERCI, À VOUS, À LA VIE, À L’UNIVERS.

Alain et moi, nous vous souhaitons plein de merveilleuses choses, finissez bien l’année et que la prochaine vous apporte le l’amour, du bonheur, la joie, l’harmonie et la sérénité.
Prenez bien soin de vous, sinon qui le fera à votre place, et à très vite!
Je vous embrasse TOUS …

Alain et Philou du bateau CAYMAN 3

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4 réflexions sur « Point Transat #3-  El Hierro > Marie Galante »

  1. Pascal Renoux 28/12/2023 — 12:50

    Bonjour Philippe, Merci de nous faire partager cette nouvelle traversée, tu auras vécu des années dans les mains passionnées du vent, comme l’écrivait Henri Michaux, grand voyageur devant l’éternel. A te lire, j’entends le glissement de l’eau sur la carène, le craquement des agrès sous la tension des voiles… Musique du large. Je vois que « l’ami de longue date », comme Bernard Moitessier appelait l’alizé n’a pas toujours été fidèle, mais on ne commande ni le vent, ni ma mer ! Que te souhaiter pour cette nouvelle année qui s’annonce ? Qu’elle soit belle, propice à de nombreux autres milles en mer, à des nuits étoilées et à de nouvelles rencontres. Amitiés, Pascal
    >

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    1. Bonjour Pascal,
      C’est toujours un plaisir de dialoguer avec et de te lire.
      Merci de partager ce que tu ressens avec moi. Quel privilège !
      Oui, « l’ami de longue date » nous a totalement délaissé. En même temps cela m’apprend et ça permet de naviguer avec beaucoup plus d’attention.
      Pour cette nouvelle année, je te souhaite de « vivre pour le meilleur » comme le dit mon chanteur de rock préféré.
      J’espère que l’on pourra encore partager de bons moments ensemble si tu le veux bien.
      Amitiés sincères
      Philou sur CAYMAN 3

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  2. Bonjour Philippe, un grand merci pour ces témoignages et reportages, disons-le, qui m’émerveillent moi qui n’ai pas le pied marin.
    Très bonne nouvelle année à toi.
    Philippe et Claire-No Sert de la lointaine Geloux

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    1. Bonjour Claire-Noëlle et Philippe,
      C’est toujours avec joie que je partage avec vous ce que je vis, ce que je ressens, à travers ces articles, issus de mes aventures de Mer.
      Moi aussi je n’avais pas le pied marin et il m’arrive encore, certains jours d’être malade en mer. Mais à côté du plaisir que l’Univers m’offre, ce mal se dissout rapidement.
      Je vous souhaite une excellente année pleine de joie d’amour et surtout la santé.
      Prenez bien soin de vous 🙏
      Philou à Marie Galante…

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